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 say you're sorry still (sam)

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Polly Brown
Polly Brown
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MessageSujet: say you're sorry still (sam)   say you're sorry still (sam) EmptyMer 9 Nov - 22:36



say you're sorry still
What you want to do tonight? I got wounds to lick in life, Oh you've said Standing like a stick This tie could invert to be a noose instead. Oh you lie next to me, Heart is beating heavily, There's blood in your ear though. Blood on your shirt. It's too late to say you're sorry, Say you're sorry still. I stepped out with heavy heart To bail you out again, Oh those things you do, Oh those things you do. Get out! And get gone, This town is only gonna get worse. Get out! And get gone, This town is only gonna eat you.  Oh so many bills to pay, No this debt won't go away, Oh so sad. What you know you're drunk again, Take it out on your best friend, Oh so sad. ~ bloody shirt, to kill a king.


Perchée sur son poste de surveillance, Polly avait chaussé ses jumelles. C'était une p'tite paire, des jumelles de gosses. On s'était dit qu'elle ne parviendrait pas à faire la différence mais, manque de pot, elle avait grincé des dents lorsque son regard vert s'était posé sur ce qui allait être son meilleur allié – elle n'avait toutefois soufflé mot, avait seulement hoché la tête en guise de remerciement. Elle n'aurait pas dit non à une longue-vue, elle aurait voulu se sentir un peu pirate dans ce monde qui sombrait dans la flotte et la merde. Mais Polly était différente, Polly était dans son petit monde, cloîtrée dans une bulle rosâtre faite de chimères et d'un univers qui n'existerait sans doute plus. Ces longs mois sur les routes en compagnie de sa mère et de son garde-du-corps auraient du l'en persuader – mais ils n'avaient fait que l'éloigner plus ou moins de la réalité, par égard pour sa jeunesse. Elle savait que les rôdeurs étaient là, proches, dans l'ombre. Elle les voyait tous au travers de ses jumelles. Il y avait pourtant une différence monstre entre ce qui l'entourait et ce dont elle préférait ne jamais parler ; ils étaient dehors, alors elle pouvait s'permettre de se comporter comme une gosse. Elle pouvait imaginer qu'ils n'étaient pas là, elle pouvait se dire que ce n'était qu'un jeu comme dans c'film où le père prétend que tout va bien pour ne pas inquiéter son fils. Elle pouvait elle aussi prétendre que rien ne se passait, que sa mère était toujours en vie. Qu'elle l'attendait quelque part, et qu'elle la retrouverait. C'était enfantin, et certainement idiot de se mettre des œillères de la sorte, préférant des mensonges éhontés à la simple vérité. Mais le fait était là ; elle était ici, et ils étaient loin. Elle était hors de leur portée et elle se refusait à les approcher de nouveau. Elle se souvenait – lorsque Jack l'avait sauvée, elle avait pu sentir l'odeur putride qui émanait de la peau décomposée de son assaillant, elle avait pu voir toute la vivacité dont il avait fait preuve, elle avait été capable de se sentir mourir. Plus jamais. Alors dès qu'elle posait ses jumelles, Polly retrouvait son petit paradis, cet endroit épatant où rien n'était susceptible de la hanter. Le déni était profond, et presque indélogeable. Elle le sentait là, dans le creux de son ventre. Et c'était rassurant parfois, de se rassurer avec son imagination.

On lui posa alors une main sur l'épaule, lui disant qu'elle pouvait aller se reposer. Sagement, la paire de jumelles toujours dans le creux de ses mains, Polly se releva. C'était facile, d'être ici. Elle aurait piqué une crise si on l'avait placée avec les nettoyeurs, elle aurait gerbé partout, elle aurait hurlé à s'en décrocher les mâchoires. Mais ici, elle était assez éloignée de l'action et se contentait d'observer, d'appeler du renfort si quelque chose de louche semblait se tramer dans les environs. Ce n'était pas bien compliqué. Elle aurait pu faire la cuisine aussi, elle savait quelques petits trucs alors enseigner n'aurait pas été un trop gros problème pour elle ; du moins, en ce qui concernait les connaissances pour le moins basiques. Étouffant un bâillement inopportun, Polly traça lentement son chemin du toit, où les tours de garde se déroulaient, jusqu'au centre du centre commercial. Elle fut aussitôt assaillie par quelques conversations qui déboulaient de tous les côtés et, confortable dans sa pauvre existence, elle apprécia le son de toutes ces voix qui s'entrechoquaient. Elle avait l'impression d'être en vie, d'avoir un p'tit truc auquel se raccrocher. Son estomac gargouilla. Polly posa sa main sur son ventre et zieuta les environs ; Jack n'était pas là. Et à chaque fois qu'elle se faisait cette remarque, elle sentait comme une vague de nervosité la submerger de la tête aux pieds. Sans lui, elle se sentait gauche, pas très à l'aise. Elle n'aimait pas être seule. Polly se mordit l'intérieur de la bouche et baissa les yeux vers le sol, ses pieds reprenant leur trajet jusqu'à la cantine.

Là-bas, elle s'octroya une sorte de pain que les cuisiniers avaient mis au point – d'la bouffe un peu insipide qui lui rappelait le temps joyeux où elle avait pu avaler tout ce qu'elle avait voulu. Des burgers, des frites, des oignons caramélisés, un bon steak,... tout ça la faisait saliver. Polly observa son assiette, puis regarda les tables un peu éparpillées au quatre coins de ce qui était autrefois un Burger King. Il ne lui fallut finalement que quelques secondes pour la remarquer. Aussitôt, elle sut qu'elle n'aurait pas à manger seule ou à parler à son reflet dans l'miroir. Brutalement excitée par ce qu'elle ne parvenait pas à expliquer, Polly commença à accélérer l'allure, craignant de voir la place qu'elle avait repérée aux côtés de Sam prise par le dernier mec venu. Sans demander l'avis à la principale intéressée, elle s'installa juste en face d'elle, s'exclamant un « salut, Sam ! » particulièrement bruyant « pour une fois que Liam n'est pas avec toi, j'en profite. » à vrai dire, elle en profitait tout le temps, que Liam soit là ou non. Tout était bon pour être avec Sam. Même si cette dernière ne paraissait pas être tout le temps de cet avis. « j'aime bien tes cheveux aujourd'hui, tu as fait quelque chose pour qu'ils soient aussi soyeux ? » demanda-t-elle en croquant dans son pain, et regarda autour d'elle, les mâchoires claquant sans leur octroyer la moindre interruption « il est où d'ailleurs, Liam ? » elle les aimait bien tous les deux, même si elle préférait Sam. Sam, c'était tout ce qu'elle voulait être. Elle était belle, elle savait se battre. Et elle avait cette attitude qui la rendait irrésistible. Et parfois Jack l'avait regardée avec des yeux d'homme – et Polly l'avait remarqué. Au lieu d'en être offusquée, elle avait compris pourquoi. Elle n'aurait pas eu une telle acceptation d'la chose si ça n'avait pas été Sam. Mais c'était Sam, et elle comprenait.
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Sam Wheeler
Sam Wheeler
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MessageSujet: Re: say you're sorry still (sam)   say you're sorry still (sam) EmptyJeu 10 Nov - 4:03



say you're sorry still
What you want to do tonight? I got wounds to lick in life, Oh you've said Standing like a stick This tie could invert to be a noose instead. Oh you lie next to me, Heart is beating heavily, There's blood in your ear though. Blood on your shirt. It's too late to say you're sorry, Say you're sorry still. I stepped out with heavy heart To bail you out again, Oh those things you do, Oh those things you do. Get out! And get gone, This town is only gonna get worse. Get out! And get gone, This town is only gonna eat you.  Oh so many bills to pay, No this debt won't go away, Oh so sad. What you know you're drunk again, Take it out on your best friend, Oh so sad. ~ bloody shirt, to kill a king.


La cuillère tourne. Tourne et retourne entre tes doigts graciles. De longs doigts fins, aux ongles courts, des doigts de pianiste comme disait ta mère alors que t’as jamais touché une foutue touche de piano de ta vie. Des mains qu’on croirait presque délicates, qui au premier coup d’œil ne semblent ni usées par le temps, les crimes, le sang. On n’y penserait pas comme ça, que ces mains ont bataillé pour continuer de bouger, enserrant les vivants, lacérant les morts, sacrifiant pour survivre, empoignant et déchirant la chair, brisant des os. Il faut se rapprocher pour y voir les cicatrices, les éraflures, pour tenter de percevoir ne serait-ce qu’un bout de ce qu’elles ont traversé. Si habituées à tenir un flingue qu’elles en ont presque oublié comment faire tourner une cuillère. Pourtant elle tourne, perdue dans tes pensées tu ne regardes l’assemblée que d’un œil distrait, fixant tour à tour les visages pas assez inconnus et trop peu apprivoisés, puis ton bol de porridge. Tu ne fais pas la difficile, tu as déjà eu pire dans ton assiette et bien moins à te mettre sous la dent. Tu n’as pas faim, tu ne fais que tourner ta cuillère en observant le monde se mouvoir autour de toi, tu attrapes au hasard un regard, une intonation de voix, morceaux de conversation qui s’entrechoquent à ton oreille. Des rires. Des interrogations. Des échanges. De la vie. Tout simplement. Tu n’y es plus habituée ou peut-être ne cherches-tu même plus à t’y habituer ? Les sons te parviennent de loin, les mouvements semblent plus lents. Comme si tu contemplais la scène, présente mais ailleurs. Froide. Ils ne te remarquent pas ou du moins le prétendent à merveilles. Il t’arrive de leur faire croire à une fausse accessibilité, leur montrer ce qu’ils désirent voir. Parfois même ils s'amusent beaucoup avec toi, et pourtant personne n'ose être familier. Tu as une manière bien à toi d'installer une distance avec les gens. Tu détestes qu'on te presse, qu'on te bouscule.

Chaque jour nouveau qui se lève est un espoir vain d'aller mieux. Quel que soit le chemin que t'emprunteras, tu te casseras la gueule, et n'auras pas d'autre choix que de te relever. T’as le cœur qui pèse des tonnes, le tournis, la nausée. Même vouloir fuir semble dérisoire, tes erreurs te rattraperont toujours, le temps aussi. Comme si t'avais des comptes à rendre. Tu pensais que tu réfléchissais assez pour être sûre de tes actes. Tu réfléchis trop, t'agis mal. On dit que fuir c'est être lâche. C'est choisir la facilité, pour éviter d'affronter le monde. Tu veux fuir pour éviter d'être face à te remords, fuir pour oublier cette réalité qui te déchire. Mais t’es bloquée entre quatre murs. C'est le tourbillon, t’as jamais été aussi indécise et paumée de toute ta vie. Complètement à l'ouest, tu ne gères plus tes sentiments. Tu sais même pas s’ils sont vraiment là, t’en viens même parfois à te demander si tu as vraiment un cœur. Peut-être qu'à force de le renier et te dire que tu n’en voulais pas, tu l'as perdu…

« Salut Sam » .. Lointain écho que tu peines à assimiler. Perdue dans tes pensées t’as pas fait attention à sa silhouette intrusive avant que sa voix haut perchée ne vienne te ramener parmi eux de plein fouet. Bam. Rappel violent de l’agitation qui t’entoure. A peine as-tu levé les yeux vers elle qu’elle s’est déjà installée face à toi. Polly. Elle commence son interminable jacassement et t’as un mal fou à te concentrer sur ce qu’elle dit. Polly elle est très douée pour ça, combler les vides avec du blabla inutile, des échanges de banalités qui n’ont plus lieu d’être et t’ennuient au plus haut point. Et alors que ton premier reflex serait de quitter la table pour la planter là une part de toi ne parvient pas à bouger. T’es clouée à ta banquette. Parce que Polly c’est aussi un sourire mutin qui te rappelle Rip, c’est une chevelure incandescente qui te rappelle Rip, c’est une candeur agaçante qui te rappelle Rip. Et aussi irritant que ça puisse l’être t’es bien forcée de t’avouer que ce rappel est la seule chose qui a la chance d’illuminer un tant soit peu ton après-midi aujourd’hui. « Je les ai lavé. » lui réponds-tu d’un ton peu avenant, c’est souvent ainsi que tournent vos conversations, tu restes laconique et elle s’arrange très bien avec elle-même pour parler pour deux. La plupart du temps ça te convient très bien. Tu ne comprends pas pourquoi elle revient toujours, au départ, tu croyais qu’elle était sans arrêt dans vos pattes à cause de Liam. Liam a un bon contact avec les gens, contrairement à toi, Liam est plus souriant, plus avenant, plus drôle. Liam est « plus » quand tu donnes dans le « trop peu ». T’as même cru qu’elle avait un béguin pour lui la rousse, et puis tu as vu comme elle regardait Jack, le grand barbu qui l’accompagnait tout le temps, ou plutôt.. qu’elle accompagnait tout le temps. Le suivant comme un chiot en manque d’affection. Quand elle le regardait, t’avais presque l’impression de pouvoir voir des cœurs sortir de ses yeux, comme dans les cartoons. Elle s’est mise à venir te voir, quand Liam n’était pas là. Et t’as compris. Tu sais pas ce qu’elle te trouve Polly, ou plutôt tu ne le sais que trop et c’est ce que tu détestes chez elle. Cette attente après toi, cette admiration à peine voilée. T’as bien essayé de lui faire comprendre que tu méritais pas un quart de l’intérêt qu’elle te portait, qu’elle ferait bien de se faire des amies plus adaptées pour elle. Rien y fait. Elle revient toujours et t’as pris l’habitude de la voir débarquer n’importe quand, surtout quand il ne faut pas. « Il est occupé. » A quoi ? Là est la question. Occupé. T’en sais foutrement rien et c’est ça le pire. T’as pas envie de dire à Polly que tu n’as aucune idée de ce que fait Liam en ce moment, que tu es aussi peu au courant qu’elle, qu’il n’a pas pris la peine de te prévenir, filant en douce comme si t’étais un parasite à semer. Liam il ne t’informe pas de son emploi du temps, pourquoi le devrait-il ? Ça t’a mis en rogne d’apprendre qu’il était parti en mission. Sans toi. T’attends là comme une potiche et tu rages dans ton coin, passant tes nerfs sur ta cuillère. T’as pas envie de dire à Polly qu’elle enfonce le clou avec ses questions. Que t’es là à te ronger les sangs pour lui et qu’il s’en fiche bien. T’as pas envie de dire à Polly que toi et Liam, vous n’êtes pas si proches qu’il n’y paraît. Qu’il tolère plus qu’il ne souhaite ta présence à ses côtés. Non, tu ne lui diras pas. Au lieu de ça tu soupires, reculant vers le dos de ton siège pour t’y enfoncer. Tu te contentes de garder le silence et de la fixer, parce que tu sais qu’elle aime parler Polly, et surtout parce que ta façon de la regarder instaure cette tension pesante entre vous. Tu t’es toujours amusée, à rendre les autres mal à l’aise. « Pourquoi n’es-tu pas avec.. Jack ? Il t’a semé ? » finis-tu en la coupant, faisant si peu d’effort pour être aimable « Ma foi.. peut-être qu’il prend du bon temps ailleurs. » tu ne le fais pas vraiment exprès. Ou peut-être le fais-tu ? Tu as conscience que cette éventualité blesserait Polly, et si la jeune-femme n’est pas naïve au point de croire que son « héros » passe toutes ses nuits seul, il n’était pas utile de le lui rappeler. Tu le fais. Pour la punir. Elle, ou toi ? Tu sais plus. Rejetant ton amertume et tes incertitudes, lui renvoyant comme un miroir. Elle et toi. Toi et elle. Elle pense que vous êtes radicalement opposées, souhaitant être un peu moins elle et un peu plus toi. Elle ignore, que vous avez plus en commun que ce qu’elle pense. C’est pas visible. C’est sous la surface. Tu peux le sentir, ça te saute presque aux yeux, et tu lui en veux tellement de te rappeler le pathétisme de ta situation. Elle l’agite sous ton nez sans même s’en rendre compte.
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Polly Brown
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MessageSujet: Re: say you're sorry still (sam)   say you're sorry still (sam) EmptyVen 25 Nov - 0:06



say you're sorry still
What you want to do tonight? I got wounds to lick in life, Oh you've said Standing like a stick This tie could invert to be a noose instead. Oh you lie next to me, Heart is beating heavily, There's blood in your ear though. Blood on your shirt. It's too late to say you're sorry, Say you're sorry still. I stepped out with heavy heart To bail you out again, Oh those things you do, Oh those things you do. Get out! And get gone, This town is only gonna get worse. Get out! And get gone, This town is only gonna eat you.  Oh so many bills to pay, No this debt won't go away, Oh so sad. What you know you're drunk again, Take it out on your best friend, Oh so sad. ~ bloody shirt, to kill a king.


Comme à son habitude, Sam était loin de lui être ouverte. Elle avait beau être renfrognée, jamais Polly ne lâchait sa prise lorsqu'elle avait une cible en vue. L'étudiante avait imaginé la voir un jour agréablement surprise de la voir – peut-être même se sentirait-elle prête à commencer et à entretenir une conversation en sa compagnie ? C'était une belle idée que Polly s'était faite, la maniant avec précaution et en limant les contours un peu trop diffus. Etait-ce sa faute si Sam représentait, à ses yeux, tout ce qu'elle souhaitait être ? Elle, Déesse parmi les animaux, la bouffe de rôdeurs, la chair qui ne servait qu'à nourrir les canons et la terre. Elle, qui se promenait parmi les mortels. Elle, qui n'avait peur de rien. Elle, qui avait Liam. Elle, qui pouvait avoir tout ce qu'elle voulait. Elle souhaitait, elle obtenait. C'était de cette manière que Polly voyait Sam, à travers le prisme de cette grandeur invétérée et élégante, brandissant l'étendard d'une révolution dont la jeune fille ne comprenait finalement que très peu de choses. Il y avait un monde entre elles deux, un univers conséquent que Polly aurait aimé pouvoir franchir un jour. Et cette adoration, personne ne la comprenait vraiment – sauf Liam. Liam, parfois, donnait l'impression de comprendre et d'en lire les contours avec facilité. Elle ne connaissait pas leur passif mais elle était suffisamment sensible pour constater les sentiments qu'il entretenait pour elle. Ce n'était pas dans sa façon d'agir mais il avait une certaine posture en sa présence, une manière de parler, de la regarder – et c'était beau, tant et si bien que Polly devait parfois s’efforcer de détourner le regard, l'oeil humide et le cœur battant la chamade. Toute sa vie, elle avait ingurgité des histoires dignes des plus grands feuilletons américains, des relations imagées et rocambolesques ; et des liens plus forts, passionnels, presque réels. Et quand quelque chose était beau, elle faisait partie de ceux qui n'avaient pas peur de le dire. Elle avait vraiment l'impression qu'aucune tension n'existait entre les deux protagonistes ; elle les imaginait comme dans un rêve, où rien ne semblait sombre et où tout était délicieux et sucré comme le miel. Ce n'était qu'un monde de songes, de rêves déjà avortés. Mais c'était beau – et rassurant – de les voir sous ce jour-là, même si tout n'était drapé que de mensonges éhontés, inoffensifs et savamment pimentés. Cela ne faisait d'mal à personne.

La bouche pleine, sa gorge se contracta lorsque Sam fit mention de Jack. Jack qui n'était pas là. Jack qui prenait du bon temps ailleurs. Très certainement, aurait-elle voulu dire. Polly savait que son béguin n'était pas réciproque – elle était habituée à ne jamais voir ses sentiments lui être retournés, alors elle ne tergiversait jamais bien longtemps à ce propos – mais l'imaginer en compagnie de quelqu'un d'autre était une autre histoire. C'était douloureux, ça la prenait à la gorge et ça lui flanquait un coup à l'estomac. Elle avait envie d'gerber. Elle avait envie de tout recracher dans son assiette. De dire à Sam d'aller se faire foutre. Qu'elle devait la fermer, putain, la fermer. Mais c'était Sam – et elle avait raison, alors pourquoi nier l'évidence. De la part de Sam, elle acceptait absolument tout. Elle voyait en elle la raison incarnée, celle qui prononçait la parole divine d'une religion qui lui était propre. Tout ce fanatisme était ridicule ; Sam ne semblait même pas l'apprécier, à l'instar de Jack qui fuyait sa présence dès qu'il en avait l'occasion. Polly savait qu'elle était loin de faire l'unanimité au sein de Fernley – elle n'était pas forcément très utile lorsqu'il s'agissait de planifier des événements, et sa façon de se mettre des œillères à propos des rôdeurs rendait hystériques les plus braves. Pourquoi se cachait-elle, pourquoi n'acceptait-elle pas ce qu'elle cherchait à fuir inlassablement. Seul Seamus l'aimait bien, seul lui acceptait de lui accorder une chance ; comprendre pourquoi elle agissait comme ça, déceler les raisons de ce comportement étrange. Mais Sam ne semblait pas décidée à suivre cette voie, s'enlisant dans une agressivité que Polly déglutissait paisiblement. Elle voulait gratter cette surface dont son interlocutrice préférait se revêtir, lentement, peu à peu. La patience était une vertu que Polly connaissait bien, et dont elle préférait se servir la plupart du temps.

Posant son regard sur les cheveux de Sam, elle acquiesça à sa réponse, les sourcils légèrement plissés comme sous le coup d'une concentration extrême. « Tu les as lavés, oh. Tu devrais les laver plus souvent, si tu veux mon avis. » Sam ne voulait pas de son avis, Polly en était persuadée. Mais elle comblait les trous de cette manière ; elle parlait beaucoup pour ne rien dire et ça en agaçait plus d'un. Lorsqu'elle commençait à sentir germer en elle la graine d'une certaine insolence (avec en prime son lot de vulgarité), elle se disait que c'était beaucoup plus facile pour les gens de s'enfermer dans un état d'esprit de merde, avec une attitude de merde et des remarques de merde. C'était plus facile, hein, de dire aux optimistes d'aller se faire foutre et d'être malheureux à en crever. C'était plus facile, non, de se prendre au jeu d'une tristesse infinie et d'évincer tous ceux qui ne partageaient pas ce point de vue. Mais Polly était bien trop aimable pour se laisser aller oralement à de telles divagations ; elle ne se sentait pas prête à exploser de toute façon, elle pouvait encaisser encore quelques coups sans jamais courber l'échine. Elle avait l'habitude d'être prise pour une idiote. C'était pas grave, il n'y avait pas mort d'homme. En désespoir de cause, elle mâchouilla son pain, les yeux dans le vague. « Peut-être que Liam et Jack prennent du bon temps ensemble, ha ha...ha. » elle avala sa bouchée, en se disant qu'il fallait peut-être refréner ses plaisanteries à la con le temps de se mettre Sam dans la poche (pour ainsi dire). « T'as réussi à te faire des amis depuis que t'es là ? T'es pas très bavarde. Pourquoi tu parles pas ? T'as quelque chose à cacher ? » piaillement incessant, questions toutefois pertinentes – Polly plissa les sourcils, essayant de deviner les lourds secrets que son interlocutrice forcée pouvait bien cacher dans ses bagages. « Alors, alors. Je parie que tu es en réalité – une sorte d'espionne Russe qui dissimule très bien son accent ? Ou bien une tueuse en série. T'aurais fait la une des journaux si tout avait été comme avant. Ou une riche héritière, peut-être, ouais. T'es tellement riche que t'aurais pu acheter tout l'Nevada, moi y compris. » elle divaguait la gamine, elle partait dans un de ses nombreux délires qui n'avaient besoin pas besoin d'échanges ou d'informations pour être pleinement alimentés. Polly croqua dans son pain, rêveuse. Ouais, Sam était une riche héritière. Mais elle pouvait aussi être une féroce criminelle, une vendeuse de voitures trafiquées, ou bien une gentille femme au foyer – il y en avait pour tous les goûts.
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