Tu ne sais pas ce qui s’est passé. Tu ne sais pas comment ça a pu arriver. Mais c’est le bordel, partout c’est le bordel. Dans ta chambre aussi, où tu viens de faire un face à face avec lui. Lui qui n’a pas quitté tes pensées depuis plusieurs mois déjà. Le problème, c’est que ce n’était pas vraiment lui. Pas celui dont tu te souvenais du moins. T’es encore tremblante alors qu’il n’est plus là. Tu ne sais pas si t’es en sécurité, tu devines que non. Si Matthew a été en mesure de rentrer à Fallon, tout le monde peut rentrer. Les rôdeurs inclut, et ça, c’est pire qu’un cauchemar. T’as eu beau chercher dans le coin des habitations, tu n’as pas trouvé ta mère. Et putain, tu peux pas aller bien loin avec ton ventre qui prend toute la place, tes pieds trois fois leur grosseur habituelle et cette douleur qui ne part jamais. Tu ne sais pas ce qui se passe, mais tu te doutes que ce n’est pas normal. Que tu n’es pas censée te sentir comme ça. Tu cherches une cachette, mais rien ne semble être un endroit sûr. Tu sens la sueur qui perle sur ton front, qui coule le long de ton visage. C’est le mélange parfait de douleur, de peur et panique. Tu dois te retenir ne pas tout simplement éclater en sanglots, là, toute seule au milieu du chaos qui se rapproche minute après minute. T’es assise au fond de votre habitation, cachée derrière une commode. Si t’es pas capable de fuir, au moins, tu peux te cacher du mieux que tu peux. Tu échappes un grognement de douleur et tu assimiles doucement ce qui est en train de se passer. Des contractions. Évidemment, il fallait que le bébé se décide à vouloir sortir au pire moment possible. Tu te concentres sur ta respiration, quitte à ne penser qu’à ça. Si tu fermes les yeux sur ce qui se passe autour, peut-être que tu vas survivre. Foolish. Puis soudainement, tu entends une voix familière. Une voix familière qui cri ton nom, celui de ta mère. « PAPA! » Ta voix est pleine de panique. Probablement que tu cries trop fort même, t’oublies qu’il ne faut pas attirer l’attention des autres, ni les humains, ni les rôdeurs. « J’suis derrière la commode. » Et au moment où tu refermes la bouche, tu sens un liquide qui coule le long de tes cuisses, trempant par le fait même ton pantalon et le plancher. « Fuck, papa. » C’est le moment où tu dois te contenir mais putain, t’es sur le point de perdre la tête. « J’viens de crever mes eaux. » Ça fait vraiment plaisir de te voir papa, si tu savais..

T’es rassurée, ne serait-ce que quelques secondes lorsque tu aperçois le visage familier de ton père. T’as l’impression, ne serait-ce que pour un moment, que la situation n’est pas aussi catastrophique qu’elle l’est réellement. Et pourtant. Fallon a été envahi, ça, tu l’as bien compris. C’est dangereux tout autour, ça aussi tu le sais. Et bordel, le bébé était sur le point de montrer le bout de son nez, un peu à l’avance selon tes calculs, choisissant le pire possible pour faire son apparition dans ce monde de déjanté. La main sur ton épaule de ton père aurait pu être rassurante si elle n’avait pas été accompagné de cette panique dans ses yeux. T’as les lèvres qui tremblent, ton corps au complet qui répond à cette douleur qui grandit, les contractions qui viennent, comme un choc de douleur temporaire, mais qui laisse son effet partout. Ton père, il dit que tu dois bouger, mais t’es pas certaine que tu peux. Pas certaine que tu peux te rendre jusqu’au salon sans te défaire en petits morceaux. Quand il te demande si tu sais où est ta mère, tu hoches négativement la tête, les larmes envahissant ton visage. Tu échappes des petits sanglots, incapable de te contrôler. T’as toutes les raisons du monde de pleurer de toute façon, ça ne sert à rien d’essayer de prétendre le contraire. « Ça fait des heures que j’l’ai pas vu. Et là je peux pas. Papa, j’peux pas mettre un enfant au monde maintenant. C’est pas une vie. » Tu continues de hocher de la tête, les larmes envahissant ton visage, tu ne veux plus rien. Tu ne fais que ressentir cette douleur qui semble venir de partout et de nulle part à la fois. Et puis tu penses à ton frère. Si ton père est là, Absalon ne devrait pas être loin, pas vrai? « Abe? Abe il est où? J’peux pas faire ça sans Abe. Sans maman. » Ta voix se fait de plus en plus forte, tu cries presque dans les oreilles de ton paternel, mais tu n’es plus en contrôle de rien. Tout l’échappe. « Faut que ça arrête. Tout de suite papa. Faut que tu empêches ce bébé de venir au monde TOUT DE SUITE! » Tu ne fais absolument plus de sens. Mais après tout, qu’est-ce qui en fait encore, dites-moi?

Tu fais tout en possible pour te concentrer sur ton père, mais tu ne peux pas t’empêcher d’être drôlement alerte de tout le reste qui se passe autour de vous. Du danger qui rôde pas loin, du fait que soudainement, Fallon n’est plus un endroit pour sûr pour personne, encore moins pour toi, pauvre gamine enceinte jusqu’aux oreilles sur le point de mettre un enfant au monde. Cette réalité, elle t’échappe complètement, elle te dépasse, elle est si grosse que tu n’es pas en mesure de la comprendre dans le moment, pas en mesure de l’accepter non plus. Alors tu demandes l’impossible. Que le temps s’arrête, ou mieux encore, de revenir dans le temps. De ne jamais tomber enceinte. De ne pas faire l’erreur stupide de mener cette grossesse à terme au milieu d’un monde qui ne fait aucun sens. Tes contractions se font de plus en plus rapprochées, de plus en plus puissantes aussi, et même si tu sais que tu dois rester le plus silencieuse possible, pour ne pas attirer l’attention des rôdeurs mais tu ne peux t’empêcher d’échapper de longs gémissements de douleur. « Tu devrais pas rester là papa. J’vais crier et les rôdeurs ils vont venir et j’pourrais rien faire. » Tes larmes se mettent à couler encore plus abondamment sur tes joues. Tu le réalises un peu plus, qu’avec la situation telle qu’elle est, tes chances de survie sont extrêmement minces, et tu n’as pas envie que ton père risque sa vie pour sauver la tienne. T’as envie qu’il se protège, qu’il parte loin d’ici. « Pense à maman, et puis à Abe. Ils ont encore besoin de toi. » Moi aussi papa, mais c’est trop tard pour moi, ne vois-tu pas? Et puis une autre contraction vient te couper le souffle alors qu’un cri empli la maison qui vous a vu grandir et évoluer dans ce monde de fous. Tu serres la main de ton père fort, tes ongles s’enfonçant dans sa peau alors que tu peines à reprendre ta respiration. « Le bébé arrive. J’suis pas prête papa. J’veux pas mourir. » Le désespoir. C’est tout ce qu’il te reste, du moins, c’est l’impression que tu as à l’instant.